Samuel Crevel a commenté les deux arrêts suivants, dans la Revue de droit rural de janvier 2022 (n°499)

 

  • Arrêt de la Cour de cassation, troisième chambre civile, du 3 novembre 2021 (n° 20-17624 ; RDR 2022, comm. 1)

 

Une nouvelle fois, la Cour de cassation est amenée à se prononcer sur le formalisme, toujours invoqué par le locataire à l’appui de sa contestation, du congé pour reprise et plus précisément sur la question de l’adresse du bénéficiaire du congé.

 

Après avoir jugé que la mention du domicile actuel du bénéficiaire ne pouvait, en l’absence d’indication explicite en ce sens, raisonnablement désigner le domicile qu’il occupera en cas de reprise (Civ. 3ème, 10 mars 2015, n° 13-26701, RDR 2015, comm. 135, note S. Crevel) et que la mention de domiciles alternatifs, seraient-ils tous situés à proximité des biens loués, ne pouvait être admise (Civ. 3ème, 5 avril 2018, n° 16-24394, RDR 2018, comm. 112, note S. Crevel), la Cour de cassation a dû se prononcer sur les conséquences qu’il convient de prêter au changement de domicile du bénéficiaire entre les dates de délivrance et d’effet du congé.

Sans surprise, cette modification a été source d’annulation du congé en tant que le locataire avait été trompé sur une information essentielle à sa perception de la reprise.

Il est vrai que, dans une logique de formalisme rigoureux, peut être regardée comme reprochable l’attitude consistant à délivrer un congé indiquant un domicile actuel et futur A  quand, postérieurement à sa délivrance mais antérieurement à la reprise, le bénéficiaire adopte un autre domicile B. Le locataire peut en effet s’estimer trompé sur une condition essentielle d’appréciation de la reprise.

Il est toutefois permis de faire preuve d’une certaine réserve à l’égard de cette sévérité.

La position de la Cour de cassation parait rigoureuse à l’égard du bénéficiaire du congé (et du bailleur) lequel se trouve condamné, durant les 18 mois (ou plus) suivant la délivrance du congé, à conserver à tous prix le domicile annoncé, quand bien même une raison impérieuse le contraindrait à en changer durant cette période et quand bien même le nouveau domicile serait tout aussi proche des biens dont congé que celui annoncé sur le congé. Seul un congé rectificatif, mentionnant la modification du congé, pourrait sauver la reprise mais, pour respecter les prescriptions de l’article L 411-47 du code rural et de la pêche maritime, il serait voué à l’échec si le besoin de changer de domicile se fait jour moins de 18 mois avant le terme du bail. Soit une situation rare en pratique, qui supposerait la délivrance du congé initial bien en amont.

 

  • Arrêt de la Cour de cassation, troisième chambre civile, du 10 novembre 2021 (n° 20-18880 ; RDR 2022, comm. 2)

 

Cet arrêt apporte une intéressante confirmation sur la nature et les effets de la mise à disposition régie par l’article L 411-37 du code rural et de la pêche maritime (soit celle consentie à une société d’exploitation par un associé locataire), si fréquente en pratique.

 

En l’espèce, les terres mises à la disposition d’un GAEC faisaient l’objet d’une expropriation. Considérant être la première victime de cette mesure ayant pour effet de réduire la superficie de son exploitation, le GAEC a demandé à la collectivité expropriante le versement de l’indemnité qui, prévue par l’article L 321-1 du code de l’expropriation, revient au locataire exploitant du bien exproprié.

 

En vain, à la suite de la cour d’appel, la Cour de cassation a considéré que seul le « titulaire du titre locatif », auteur de la mise à disposition, pouvait légalement prétendre à cette indemnisation.

 

Cette position est à rapprocher d’un autre arrêt en ce sens que la mise à disposition n’ouvrait à la société bénéficiaire aucun droit tiré du statut du fermage à l’encontre du bailleur (Civ. 3ème, 7 décembre 2011, n° 10-26820, RDR 2012, comm. 12 note S. Crevel).

 

Elle milite en faveur d’une rédaction attentive de la convention de mise à disposition par laquelle il peut être prévu que la société touchera in fine tout ou partie de l’indemnité que le locataire se verra verser.

 

  • Arrêt de la Cour de cassation, troisième chambre civile, du 3 novembre 2021 (n° 20-17624 ; RDR 2022, comm. 1)

 

Une nouvelle fois, la Cour de cassation est amenée à se prononcer sur le formalisme, toujours invoqué par le locataire à l’appui de sa contestation, du congé pour reprise et plus précisément sur la question de l’adresse du bénéficiaire du congé.

 

Après avoir jugé que la mention du domicile actuel du bénéficiaire ne pouvait, en l’absence d’indication explicite en ce sens, raisonnablement désigner le domicile qu’il occupera en cas de reprise (Civ. 3ème, 10 mars 2015, n° 13-26701, RDR 2015, comm. 135, note S. Crevel) et que la mention de domiciles alternatifs, seraient-ils tous situés à proximité des biens loués, ne pouvait être admise (Civ. 3ème, 5 avril 2018, n° 16-24394, RDR 2018, comm. 112, note S. Crevel), la Cour de cassation a dû se prononcer sur les conséquences qu’il convient de prêter au changement de domicile du bénéficiaire entre les dates de délivrance et d’effet du congé.

Sans surprise, cette modification a été source d’annulation du congé en tant que le locataire avait été trompé sur une information essentielle à sa perception de la reprise.

Il est vrai que, dans une logique de formalisme rigoureux, peut être regardée comme reprochable l’attitude consistant à délivrer un congé indiquant un domicile actuel et futur A  quand, postérieurement à sa délivrance mais antérieurement à la reprise, le bénéficiaire adopte un autre domicile B. Le locataire peut en effet s’estimer trompé sur une condition essentielle d’appréciation de la reprise.

Il est toutefois permis de faire preuve d’une certaine réserve à l’égard de cette sévérité.

La position de la Cour de cassation parait rigoureuse à l’égard du bénéficiaire du congé (et du bailleur) lequel se trouve condamné, durant les 18 mois (ou plus) suivant la délivrance du congé, à conserver à tous prix le domicile annoncé, quand bien même une raison impérieuse le contraindrait à en changer durant cette période et quand bien même le nouveau domicile serait tout aussi proche des biens dont congé que celui annoncé sur le congé. Seul un congé rectificatif, mentionnant la modification du congé, pourrait sauver la reprise mais, pour respecter les prescriptions de l’article L 411-47 du code rural et de la pêche maritime, il serait voué à l’échec si le besoin de changer de domicile se fait jour moins de 18 mois avant le terme du bail. Soit une situation rare en pratique, qui supposerait la délivrance du congé initial bien en amont.

 

  • Arrêt de la Cour de cassation, troisième chambre civile, du 10 novembre 2021 (n° 20-18880 ; RDR 2022, comm. 2)

 

Cet arrêt apporte une intéressante confirmation sur la nature et les effets de la mise à disposition régie par l’article L 411-37 du code rural et de la pêche maritime (soit celle consentie à une société d’exploitation par un associé locataire), si fréquente en pratique.

 

En l’espèce, les terres mises à la disposition d’un GAEC faisaient l’objet d’une expropriation. Considérant être la première victime de cette mesure ayant pour effet de réduire la superficie de son exploitation, le GAEC a demandé à la collectivité expropriante le versement de l’indemnité qui, prévue par l’article L 321-1 du code de l’expropriation, revient au locataire exploitant du bien exproprié.

 

En vain, à la suite de la cour d’appel, la Cour de cassation a considéré que seul le « titulaire du titre locatif », auteur de la mise à disposition, pouvait légalement prétendre à cette indemnisation.

 

Cette position est à rapprocher d’un autre arrêt en ce sens que la mise à disposition n’ouvrait à la société bénéficiaire aucun droit tiré du statut du fermage à l’encontre du bailleur (Civ. 3ème, 7 décembre 2011, n° 10-26820, RDR 2012, comm. 12 note S. Crevel).

 

Elle milite en faveur d’une rédaction attentive de la convention de mise à disposition par laquelle il peut être prévu que la société touchera in fine tout ou partie de l’indemnité que le locataire se verra verser.


Samuel Crevel a commenté les deux arrêts suivants, dans la Revue de droit rural de septembre 2022 (n°498)

 

  • Arrêt de la Cour de cassation, troisième chambre civile, du 23 septembre 2021 (n° 20-15305 ; RDR 2022, comm. 256)

Une nouvelle fois, la Cour de cassation a dû apprécier la durée d’un bail litigieux, pour déterminer s’il entrait ou non dans le régime particulier d’achèvement prévue à l’article L 416-3 du code rural et de la pêche maritime et propre aux baux à long terme d’une durée au moins égale à 25 ans : possibilité de stipuler une clause permettant la délivrance d’un congé à long préavis (4 ans) ou, en l’absence de cette clause, cessation automatique du bail au terme.

L’enjeu pratique est évidemment important pour le bailleur, qui est alors assuré de mettre fin au bail.

Même s’il est habituellement aisé de déterminer cette durée (on parle bien de la durée originelle du bail, peu important ses éventuels renouvellements) mentionnée clairement dans le bail, la question peut néanmoins se poser lorsque le bail d’origine fait l’objet d’ un avenant -de prorogation, de résiliation…- qui parait influer sur sa durée « faciale ».

En l’espèce, le juge a du se poser la question de savoir si l’accord modificatif passé entre les parties postérieurement au bail de 25 ans, pour en étendre le champ dans le temps et dans l’espace, devait être regardé comme un nouveau bail résiliant implicitement mais nécessairement l’ancien ou comme un simple avenant au bail originel.

Après analyse de faits relativement compliqués et à la faveur du pouvoir souverain du juge du fond, la Cour de cassation a retenu la thèse de l’avenant. Elle en a tiré pour conséquence qu’au terme issu de la prorogation, le bail unique, d’une durée totale bien supérieure (par l’effet de l’avenant) à 25 ans, avait pris automatiquement fin. Tel n’eût pas été le cas si la thèse du nouveau bail/résiliation avait été accueillie.

Même s’il est d’espèce comme lié à la rédaction et à l’interprétation de l’acte litigieux, cet arrêt appelle néanmoins généralement l’attention du praticien sur l’importance que les parties doivent prêter à la rédaction des actes conclus postérieurement à un bail (surtout si celui-ci est affecté d’une durée au moins égale à 25 ans) et destinés à le modifier.

 

  • Arrêt de la Cour de cassation, troisième chambre civile, du 23 septembre 2021 (n° 20-14785 ; RDR 2022, comm. 257)

 

Par cet arrêt, pas très aisé à interpréter, la Cour de cassation parait retenir que la dévolution du bail rural pour cause de mort, organisée par l’article L 411-34 du code rural et de la pêche maritime, placerait le dévolutaire a l’abri de causes de résiliation auxquelles eût pu être exposé, de son vivant, le défunt locataire. En l’occurrence, a été écartée la demande de résiliation formée à son encontre par le bailleur à raison des agissements fautifs commis par le copreneur (toujours en vie, mais à la retraite).

Ce ne serait pas la première fois que la Cour de cassation créerait ainsi une sorte de régime de faveur au profit du successeur du locataire. On se souvient ainsi que le cessionnaire du bail ne peut se voir opposer la renonciation à un droit statutaire valablement souscrite par le cédant son auteur.