Samuel CREVEL a commenté l’arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation en date du 1er avril 2021 (n°19-25.078) à la Revue de droit rural du mois d’octobre 2021 (comm. n°213).

 

Par cet arrêt, la Cour rappelle que le droit du preneur au renouvellement de son bail peut et même doit être distingué du droit pour le bailleur de lui délivrer congé, distinction, certes subtile, mise clairement en évidence par la doctrine dans les années 1980 et que la pratique parait avoir un peu oubliée au fil du temps.

 

Le droit de congédier du bailleur n’a jamais cessé d’être identifié et mobilisé par les praticiens.  Lorsqu’il envisage de reprendre la jouissance de son bien, le bailleur recherche s’il remplit les conditions pour délivrer un congé ayant pour motif l’âge du preneur, la reprise -personnelle ou par proche interposé- de l’exploitation louée, la faute du preneur…

 

Le droit au renouvellement du locataire repose quant à lui sur l’article L 411-46 du code rural et de la pêche maritime. Il ressort du troisième alinéa de ce texte destination du bien loué. Il ressort du troisième alinéa de cet article que pour bénéficier du droit au renouvellement de son bail, le preneur « [doit] réunir les mêmes conditions d'exploitation et d'habitation que celles exigées du bénéficiaire du droit de reprise en fin de bail à l'article L. 411-59 ». Dit autrement, seul le locataire remplissant en fin de bail les nombreuses conditions exigées du bénéficiaire de la reprise peut prétendre au renouvellement, que le bailleur soit en possibilité d'invoquer de son propre chef un motif de congé ou non ( et inversement, le bailleur peut exciper des motifs de non-renouvellement quand bien même le preneur serait virtuellement titulaire de son droit au renouvellement).

Il s’ensuit -et tel est le sens de l’arrêt du 21 avril dernier- que le preneur est déchu de son droit au renouvellement si, notamment, il n’est pas en droit d’exploiter le bien loué à la date d’effet du congé. Tel est également le cas, au regard de l’article L 411-59 du code rural et de la pêche maritime, s’il ne parait objectivement pas en mesure d’exploiter personnellement le bien loué (à raison de l’éloignement de son domicile, de l’exercice d’une profession parallèle dirimante à l’exploitation agricole…) et ce quand bien même le bailleur ne lui aurait pas délivré un congé pour reprise.

Précision importante : l’absence de droit au renouvellement du preneur est sanctionnée par un congé certes détaché des motifs habituels du chef du bailleur (et ci-dessus rappelés) mais répondant aux conditions générales de l’article L 411-47 du code rural et de la pêche maritime. Cette identité de procédure a vraisemblablement contribué à la confusion entre droit au congé (du bailleur) et droit au renouvellement (du locataire).

Il est à noter que cette soumission du « congé pour absence de droit au renouvellement » (pardon pour ce pléonasme, mais on voit mal comment le nommer autrement) aux dispositions de l’article L 411-47 emporte application du préavis minimum de 18 mois, délai au cours duquel le preneur pourra tenter de régulariser sa situation avant le terme du bail.

L’arrêt ici commenté rappelle au locataire que les conditions imposées au repreneur, dont il excipe à l’envi face à un congé pour reprise, pèsent également sur lui…